Un journaliste africain au cœur du différend en mer de Chine Méridionale.
Le conflit entre la Chine et le Vietnam retient l’attention de la Communauté internationale et des médias de la planète. C’est dans ce contexte qu’un journaliste africain a passé un mois au cœur de cette bataille frontalière et de souveraineté pour le contrôle des archipels des Paracels et des Spratleys en mer de Chine méridionale ou mer orientale respectivement pour les Chinois et les Vietnamiens en Asie du Sud-Est.
Il faut dire qu’au moins une semaine avant de quitter physiquement le sol français pour aller dans cette région de conflit d’Asie du Sud-Est où nous devions séjourner pour la première fois pendant plusieurs semaines, notre esprit n’était plus à Paris ni dans notre petite localité de Méru en direction de Beauvais dans le département de l’Oise.
Chaque jour et davantage dans notre voyage immatérielle pendant notre sommeil, nous nous retrouvions constamment dans la ligne de front de ce conflit entre les deux pays. Vous pouvez le constater aisément, si notre corps était en France, notre esprit était déjà au Vietnam avant d’y mettre les pieds physiquement.
Comme quoi, nous étions déjà excité à l’idée d’aller sur le terrain pour écouter et observer de près la situation conflictuelle entre deux pays frontaliers de plus de 1300 km de frontière terrestre. La frontière maritime, quant à elle, est l’objet d’un contentieux entre les deux pays justement sur les deux archipels des Paracels et Spratleys.
Ce conflit réveille les vieux démons ou souvenirs douloureux et tragiques pour le Vietnam d’une histoire ancienne faite de méfiance réciproque surtout pour le peuple vietnamien qui a connu une colonisation chinoise pendant un millénaire avant son indépendance du giron de la Chine et sa longue marche vers le Sud.
C’est alors que le 27 août à bord d’un Boeing 777 Jet de Vietnam Airlines, nous prenons le cap pour la capitale du Vietnam Hanoi où nous devions arriver le lendemain après environ 12h de vol direct. Tout au long de ce trajet entre Paris et Hanoi avec un décalage horaire de 6h ou de 12h entre Hanoi e Montréal, nous n’avions presque pas dormi toute la nuit parce que nous imaginions la lourde tâche que nous devrions remplir pour les lectrices et lecteurs du magazine
Francophonie Actualités dans cette première expérience journalistique hors du commun en Asie du Sud-Est à la fois enrichissante sur le plan professionnel et complexe depuis que nous exerçons ce noble métier depuis 1997.
Le sourire contagieux que nous observions tout au long du voyage par des Vietnamiens et les touristes étrangers heureux de visiter ce beau pays était relatif pour celles et ceux avec qui nous abordions le conflit sino-vietnamien en mer orientale au sujet de la souveraineté de chaque pays sur les deux archipels. Comme l’ambiance festive et chaleureuse à notre arrivée à l’aéroport internationale de Hanoi dans la matinée du 28 août, nous avions le sentiment qu’au-delà de l’ouverture du peuple vietnamien d’une manière générale aux étrangers et son sens élevé de l’accueil, son histoire profonde marquée aussi par plusieurs guerres lointaines ou récentes de libération, d’indépendance ou de souveraineté contre la Chine, la France et les États-Unis ont façonné l’esprit patriotique, le sens du devoir et un peu le repli sur soi des Vietnamiens que nous devrions côtoyer pendant un mois dans ce pays. Peu bavard à mon goût dès les premiers contacts, mes interlocuteurs devenaient subitement prolixes lorsqu’ils avaient à s’exprimer au sujet du conflit entre la Chine et le Vietnam en mer orientale.
Nous pouvions ressentir à la fois le sentiment d’exaspération face à la Chine et de détermination de ne pas céder même au prix du sacrifice suprême les archipels des Paracels et Spratleys occupés par la force par la Chine respectivement en janvier 1974 et mars 1988.
Complexité d’un conflit : Qu’en est-il exactement ?
Le conflit en mer de Chine méridionale pour la Chine, mer orientale d’après le Vietnam ou encore mer de l’ouest des Philippines pour les Philippins oppose le géant économique chinois avec ses 1.3 milliard d’habitants à nourrir et à assurer l’avenir des générations futures au bien être à quelques petits pays d’Asie du Sud-Est notamment les Philippines, la Malaisie, le Sultanat de Brunei, Taiwan et bien sûr le Vietnam qui compte un peu moins de 100 millions d’habitants. Ces pays s’opposent principalement à la Chine d’avoir occupé par les moyens militaires les deux archipels des Paracels et Spratleys.
Ce différend est particulièrement acharné avec le Vietnam qui contrairement aux autres Pays s’affrontent pour les deux archipels avec la Chine. Ces deux pays se sont livrés à deux reprises suite à une invasion chinoise ou occupation militairerampante en janvier 1974 dans les îles Paracels et en mars 1988 dans les îles Spratleys des batailles navales pour le contrôle de la souveraineté de ces îles.
Le calme relatif que nous observons de la mer orientale depuis la belle ville côtière de Da Nang à l’aspect de Nice ou Cannes sur la côte d’azur en France aussi bien la nuit que le jour malgré la beauté de son paysage aux alentours s’apparente davantage à un énorme iceberg dont l’essentiel est caché à nos yeux.
Depuis notre arrivée le 6 septembre à 20h, heure locale, à bord d’un avion de Vietnam Airlines après 1h30 de voyage entre Hanoi et la belle cité balnéaire et touristique vietnamienne de Da Nang, la ville la plus proche de l’archipel de Paracels située à 170 milles marins et à peu près équidistante de l’île chinoise de Hainan, les hommes en treillis de l’armée populaire de Chine ont occupé depuis 42 ans les îles Paracels appelés Hoang Sa par les Vietnamiens et Xisha par les Chinois.
L’atmosphère devient assez lourde et incompréhensible de l’occupation chinoise dès lors que l’on évoque le sujet aux Vietnamiens y compris les nombreux touristes rencontrés ici et là.
Ces derniers profitent du paysage sablonneux en bordure de la mer orientale parfois calme et bruyante de ses vagues déferlantes comme si elle en avait raz le bol également de la cupidité humaine dans cet espace maritime naturellement propice à la méditation de la puissance créatrice de la divinité suprême.
D’après nos observations sur le terrain et suite à des informations recueillis auprès de différentes tranches de la population vietnamienne, spécialistes du conflit en mer orientale, anciens soldats et officiers prisonniers des affrontements dans les deux archipels en 1974 et 1988, responsables politiques ou citoyens ordinaires aussi bien à Hanoi, Da Nang, Dong Ha, Hué, Saigon ou Ho Chi Minh-Ville par exemple, la Chine n’a aucune preuve juridique et historique valable pour revendiquer sa souveraineté sur les archipels de Hoang Sa(Les Paracels) et Truong Sa(les Spratleys). Ces deux archipels que la Chine appelle respectivement Xisha et Nansha.
Pour mieux comprendre ce conflit et la détermination du peuple vietnamien envers ce qu’il considère depuis toujours comme une invasion, une occupation rampante et forcée et une violation de la souveraineté nationale du Vietnam sur ces archipels par la Chine, Il est important d’interroger le passé des relations entre les deux peuples, de constater le présent des relations entre citoyens des deux pays où la suspicion n’est pas à exclure des intentions de l’autre, surtout de la Chine pour sa domination encore une fois sur le peuple vietnamien. Historiquement, la libération du peuple vietnamien après un millénaire de vassalité à la Chine du peuple Han n’a pas été faite sans douleur et cette histoire demeure présente dans tous les esprits grâce la connaissance du peuple vietnamien de son histoire, son profond patriotisme voire son nationalisme de l’enfance à l’adolescence en passant par l’âge adulte et les personnes du troisième âge.
Les craintes des personnes interrogées au Vietnam pendant nos reportages semblent fondées.
En effet, la montée en puissance de la Chine aujourd’hui comme deuxième puissance économique mondiale et sa volonté acharnée de se doter de tous les attributs d’une grande puissance aussi bien sur le plan économique, politique, culturel et militaire a poussé l’Empire du Milieu à être davantage assoiffé de ressources halieutiques, gazières et minières.
Par ailleurs, la Chine veut, à travers cette occupation par la force dans les deux archipels en violation de la Convention des Nations unies sur le Droit de la mer encore appelée Convention de Montego Bay de 1982, assurer sa sécurité, sa croissance et le bien-être du peuple chinois même au détriment de celui des autres peuples notamment du Vietnam. Il n’y a donc pas d’état d’âme et ces deux archipels sont considérés comme d’intérêt national aux yeux des officiels chinois notamment du Président Xi Jinping. Par ailleurs, la Chine dont l’ennemi en réalité, au-delà du Vietnam et des autres États impliqués d’Asie du Sud-Est dans ce conflit, est les Etats-Unis.
Les Etats-Unis, jusqu’ici la seule grande puissance influente dans la région Asie-Pacifique, a des bases militaires à Okinawa au Japon, en Corée du Sud ou encore à Guam dans le Pacifique. La multiplication des bases militaires américaines en Asie ainsi que les accords militaires ou de défense développés par l’administration Obama depuis 2011 sous l’impulsion de la Secrétaire d’État Hillary Clinton dans sa politique étrangère de Pivot vers l’Asie n’est pas de nature à favoriser l’apaisement dans cette région et la volonté manifeste de la Chine d’envisager la rétrocession des deux archipels au Vietnam. La Chine a constamment le sentiment depuis sa montée en puissance sur la scène mondiale que les Etats-Unis adopte encore davantage sa politique du containment ou d’endiguement pour mieux contrôler l’expansionnisme chinois et sa volonté de puissance et d’influence dans la région d’Asie voire à l’échelle mondiale.
Cet encerclement dont pensent les Chinois vise à contenir la Chine ou à l’étouffer dans sa volonté de puissance. Aussi, au-delà de l’apport en ressources pour la Chine que constituent les archipels des Paracels et Spratleys, ces deux archipels donnent à la Chine la possibilité d’avoir une influence géopolitique et géostratégique certaine qui permettra davantage à ce pays de rééquilibrer ses rapports de force face aux Etats-Unis en déployant à long ou à court terme des
bases militaires notamment des sous-marins à propulsion nucléaire pour se défendre en cas d’attaque dans un conflit militaire, surtout avec les Etats-Unis.
Pendant la visite en mai dernier du Président Barack Obama à Hanoi, le Président américain avait levé l’embargo américain sur les armes au Vietnam.
Cette levée de l’embargo de l’ennemi historique des États-Unis donne également au Vietnam, devenu un nouvel ami du pays de l’Oncle Sam dans cette région d’Asie du Sud-Est, la possibilité d’assurer davantage sa sécurité avec la possibilité d’achat du matériel militaire aux Etats-Unis aussi dans l’éventualité d’un autre conflit armé avec la Chine même si l’option prioritaire du Vietnam est d’être favorable à la résolution de ce conflit pardes moyens pacifiques. D’ailleurs, le Vietnam a acquis récemment auprès de la Russie, pour assurer la sécurité et la dissuasion militaire face à la puissance armée chinoise, 6 sous marins.
La neutralité relative des Etats-Unis dans ce conflit qui ont malgré tout adopté une diplomatie qu’on pourrait qualifier de funambuliste c’est-à-dire une diplomatie à mi-chemin entre le droit d’ingérence et la realpolitik exige le respect par la Chine de la liberté de navigation dans la mer de Chine méridionale conformément à la Convention de Montégo Bay.
Cette liberté de navigation en mer orientale a été réaffirmée par la décision défavorable à la Chine et prononcée par la Cour permanente d’arbitrage de la Haye dans le différend opposant les Philippines à la Chine pour l’occupation forcée de l’archipel des Spratleys.
Malgré cette décision qui affaiblit un peu plus la Chine dans ses revendications de souveraineté
sur le plan juridique et historique n’a pas empêché ce pays, membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies de poursuivre son occupation parce qu’elle compte aussi sur l’arme redoutable du droit de veto à l’Onu pour s’opposer à toute résolution visant des sanctions contre la Chine.
La Chine qui fonde ses revendications juridiques sur son tracé en 9 traits ou la langue de bœuf en mer orientale lui permet d’avoir 80% de cet espace maritime représentant plus du tiers du trafic maritime mondial.
Comme vous pouvez le constater aisément, le conflit entre la Chine et le Vietnam dans les deux archipels a fait renaître de vieux démons et une méfiance entre les ennemis du passé. Ces ennemis par l’histoire ancienne et les affrontements militaires dans les deux archipels ont néanmoins besoin de poursuivre leur coopération dans de nombreux domaines pour la stabilité dans cette région et du monde compte tenu de la puissance financière de la Chine et son investissement massif dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, membres de l’Asean comme le Cambodge et le Laos.
Au Vietnam où nous avons séjourné pendant un mois, la tension demeure palpable dès lors qu’on aborde le sujet de ce conflit qui s’apparente aux yeux des Vietnamiennes et Vietnamiens comme de l’impérialisme chinois. La tension n’est pas loin de baisser tant et aussi longtemps que la Chine va continuer à occuper les îles Paracels et Spratleys, à bomber le torse ou à montrer ses muscles pour s’imposer par la force au dépens des négociations bilatérales et multilatérales pour arriver à résoudre ce différend par les voies pacifiques.
Le Goliath chinois semble ignorer que le David vietnamien pourrait le terrasser grâce à son sens élevé et inné de la stratégie militaire qui a été à l’origine des batailles victorieuses majeures, inoubliables et historiques comme avec la France à Dien Bien Phu ou avec les Américains à Saigon sans des armes redoutables dans une guerre asymétrique.
La Chine devrait donc bien se tenir en évitant des provocations ou une attaque militaire contre un pays dont le peuple est connu pour son patriotisme et son sens élevé du sacrifice dans un conflit contre les intérêts du Vietnam. D’autant plus que comme me disait de jeunes vietnamiens dans un établissement scolaire situé à Cua Bac Street à Hanoi : « Aussi longtemps que ce conflit entre la Chine et le Vietnam va durer, la future élite dirigeante du pays à notre époque dont nous espérons faire parti poursuivra les revendications de souveraineté dans les archipels des Paracels et Spratleys jusqu’à la rétrocession par la Chine de ces îles vietnamiennes occupées par la force des armes. C’est une question de vie ou de mort. Notre choix sera bien clair à savoir défendre les intérêts de la souveraineté nationale même au prix du sacrifice suprême qui est plus honorable. » Voila`un message unanime en direction de la Chine de quelques jeunes vietnamiens âgés à peine entre 10 et 12 ans habillés d’une chemise blanche aux manches courtes et d’un pantalon bleu ainsi qu’une écharpe rouge autour du cou en cet après midi du 23 septembre à Hanoï à moins 48h de la fin de notre séjour au Vietnam.
Ce message de détermination prouve que la jeunesse vietnamienne est bien consciente du rôle qu’elle devra jouer et des attentes futures du peuple du Vietnam pour assurer notamment l’intégrité territoriale du pays, sa sécurité, sa liberté et sa subsistance.
Comme quoi, cette jeunesse vietnamienne connait déjà le rôle régalien d’un gouvernement dans un pays où plus de la moitié de la population à moins de 29 ans.
Ferdinand Mayega
Publication : 01-2017