Depuis douze ans le poète Thierry Sinda organise à Paris le Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs.
Il a de qui tenir sa verve poétique engagée, puisque son père le poète de la négritude, Martial Sinda fut en 1955, le premier poète de l’Afrique Equatoriale Française en publiant chez Seghers, Premier chant du départ.
Thierry Sinda est l’initiateur de la néo-négritude et l’auteur d’une importante somme de poésies francophones.
L’Anthologie des poèmes d’amour des Afriques et d’Ailleurs (Orphie, 624 pages, 2013) est préfacée par Abdou Diouf, George Pau-Langevin et de façon posthume par Jacques Rabémananjara.
Entretien avec Thierry Sinda sur la néo-négritude et sur le Festival du Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs.
Pouvez-vous nous expliquer de manière synthétique ce que recouvre le concept de la néo-négritude ?
On ne peut guère définir le mouvement littéraire de la néo-négritude sans définir le mouvement littéraire de la négritude.
La négritude fut un mouvement littéraire d’affirmation culturelle, identitaire et anticoloniale en langue française.
De manière synthétique je l’ai défini dans ma thèse de doctorat sur la question comme : la revalorisation culturelle du monde noir dans les Lettres françaises à l’époque coloniale.
En 1960, la négritude historique, qui est née sur les bords de la Seine de la rencontre d’auteurs martiniquais, guyanais, guadeloupéens, haïtiens, sénégalais, congolais, ivoiriens, béninois, maliens, camerounais, malgaches… s’achève
avec les indépendances africaines et malgache.
Les poètes rentreront chez eux et occuperont de hautes fonctions, souvent administratives ou politiques, pour donner forme à leur jeune état africain moderne naissant.
Il s’agit du président du Sénégal Léopold Sédar Senghor, du vice-président de Madagascar Jacques Rabémananjara, du député maire Aimé Césaire, du député Léon-Gontran Damas, du ministre de la culture ivoirien Bernard Dadié ...
Négritude, Francophonie et politique sont intimement liés contrairement à ce qu’ont pu dire ou écrire les journalistes, critiques et chercheurs du siècle dernier !
Il faut revisiter l’histoire littéraire négro-africaine francophone à l’aune du XXIe sicle, et c’est l’un rôle de la néo-négritude ; laquelle est la revalorisation culturelle du monde noir dans les Lettres françaises à une époque post ou néocoloniale.
Nous sommes à la fois les gardiens du Temple de la Négritude, des poètes-lanceurs d’alertes contre le racisme et contre toute forme d’injustice et de haine.
Notre manifeste est mon ouvrage Anthologie des poèmes d’amour des Afriques et d’Ailleurs tout comme le manifeste de la négritude poétique fut l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française de Senghor.
Le grand manifeste de la négritude fut Batouala, véritable roman nègre de René Maran, publié en 1921 aux éditions Albin Michel, et lauréat du Prix Goncourt la même année.
Quels étaientt les poètes invités, le thème général et les commémorations du 13e Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs qui a eu lieu à Paris du 14 au 20 mars ?
Le thème du Printemps national des Poètes est le « Grand XXe siècle ».
En tant que poètes de la néo-négritude nous l’avons passé dans notre moule et il est devenu : le Grand XXe siècle : l’apport de la francophonie.
En France, comme dans bien des pays, il existe beaucoup d’amicales défendant et illustrant la pensée d’un auteur : Les amis de Verlaine, La Société des amis de Victor Hugo, Les amis de Rimbaud etc.
En ce qui nous concerne, nous défendons les poètes négro-africains de la négritude tout en créant nous-mêmes, sous le sceau de la néo-négritude.
Le festival que j’anime avec l’acteur et metteur en scène Moa Abaïd est placé sous le haut patronage du poètehistorien Martial Sinda, professeur émérite à la Sorbonne.
Nous avons reçu une quarantaine de poètes : Houria (auteurs de poèmes biographiques et événementiels), Romuald Chery, Francine Ranaivo (nièce du poète Flavien Ranaivo), Jean-Baptiste Tiémélé, Marie-France et Raoul-Philippe Danaho, Eunide Darius, Alain-Alfred Moutapam, Evelyne Pèlerin Ngo Maa, Fredy Jaofera
(petit-fils de du poète Rajaofera), Hanitr’Ony (présidente de l’Union des Poètes et Ecrivains Malgaches, section France et petite-fille du poète Dox), Jaimé Galdos, Ferdy Ajax, Denise Chevalier, Sophie Cerceau , Francesca Famin, Serge Félix-Tchicaya ( neveu du poète Tchicaya U Tam’si), Gilles M’Arche, Tinou Lavital, Habib Osmani,
Iverlene Worrell Diallo, Antsiva et les chanteurs-musiciens : Batista, Pat (qui fait du bèlè), Christophe Césaire (le petit-fils d’Aimé Césaire), Saleh Hassen, Isalor’M, Bruno Duperron…
La plupart des poètes sont dans l’Anthologie de la néo-négritude.
Nous avons commémoré le centenaire du poète, romancier et dramaturge Bernard Dadié.
Il appartient à la seconde génération des poètes révoltés de la négritude.
Nous avons été probablement les seuls à pouvoir célébrer à Paris, le centenaire d’un grand écrivain francophone encore vivant !
Nous avons été quelques minutes en communication avec lui via skype.
Nous avons aussi commémoré deux soixantenaires : celui de l’édition de Black Label avec une mise en musique du texte par Christophe Césaire et une lecture par Evelyne Pèlerin Ngo Maa ; et celui du premier prix de l’Aef remis à un auteur Noir : Martial Sinda.
Cela marquait à l’époque l’entrée de l’Afrique centrale dans les Lettres françaises ; ce fut un grand événement.
Nous avons aussi rendu un hommage à la poésie francophone malgache d’hier et d’Aujourd’hui.
La 19e édition du Printemps national des Poètes qui aura lieu du 4 au 19 mars 2017 a pour thème les Afriques. Comment percevez-vous la chose ?
C’est excellent et cela montre que notre travail sans discontinuité sur les Afriques en poésie depuis 2004, n’a guère été vain ; au contraire il a été visiblement remarqué et je rajouterai : par des hommes de progrès et d’ouverture auxquels je sais gré.
Propos recueillis par Françoise De Grandmaison
Publication : 01-2017